La répression des homosexuels pendant la Seconde Guerre Mondiale en France, Arnaud Boulligny, 4 Juillet 2019.
Le 4 juillet 2019 aux archives départementales du Cher
Conférencier : Arnaud Boulligny
- fmdcaen@yahoo.fr
- Fondation pour la Mémoire de la Déportation
- Bibliographie : Les homosexuel.le.s en France : du bûcher aux camps de la mort – Histoire et mémoire d’une répression, Ed Tirésias-Michel Reynaud, 2018
Historiographie :
- Apparition du thème du triangle rose à partir de 1968 lors des cérémonies officielles qui suscite parfois manifestations et incidents.
- 1975 : incident dans le square du Vert-galant sur l’île de la Cité
- 1984 à Besançon propos homophobes tenus : « Remettez les PD dans les fours !! »
- Lionel Jospin en avril 2001 : discours aux Invalides
- Jacques Chirac le discours du 24 avril 2005
- Rapport Mercier de 1997 publié en 2001 mais un rapport « bidon » car liste comprenant officiellement 206 personnes d’Alsace-Moselle ou travailleurs en Allemagne mais en réalité 90% était des Allemands ou des étrangers => peu de Français
- 2006-2007 : Ce thème devient un objet scientifique à part entière mais il y a toujours des polémiques : les recherches d’avant étaient peu académiques car menées par des associations et des non chercheurs d’où des confusions et de mauvaises interprétations parfois.
Ex : déportation pour raison d’homosexualité ≠ homosexualité dans les camps
Un déporté homosexuel ≠ un homosexuel déporté comme par exemple Aimée Spitz
Pour cette question, l’important est de prendre en compte le contexte durant la guerre, la législation étant différente selon les pays, de même que les gouvernements et les acteurs de cette répression.
En Allemagne, le paragraphe 175 du code pénal ne prend en compte que l’homosexualité masculine, prévoit une condamnation et la déportation. 100 000 personnes fichées conduisant à 50-60 000 condamnations puis 5 à 15 000 déportations d’Allemands.
En France, le dernier bûcher de sodomes remonte à 1750, puis recours aux articles 330 à 334 du code pénal permettant de faire condamner les homosexuels. Au cours du XIXe siècle, l’homosexualité est assimilée à une maladie mentale. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les homosexuels font l’objet de surveillance et d’arrestation. Pour les Pétainistes, ces pratiques démontrent un affaissement moral de la Nation mais en réalité des mesures sont prises par la IIIe République dès le 18 novembre 1939 par les préfets conduisant à des internements administratifs. Ensuite on procède à des rafles pendant 10 jours (ex : Cannes et Nice[1]), on vise alors les homosexuels « visibles », les « invertis notoires », une quarantaine de personnes détenues à la citadelle de Sisteron et au Fort Barraux : les 2/3 seront libérées en 1 an. 3 sont morts d’épuisement, 6 sont déportés à Buchenwald mais pas pour cette raison (triangle rouge).
La répression est renforcée en France par la loi du 6 août 1942 modifiant l’article 334 du Code pénal qui instaure avec une portée plus étendue s’agissant de l’atteinte publique à la pudeur (donc une répression plus dure sur l’homosexualité « visible »).
Ex : Abel Bonnart, ministre de l’éducation nationale homosexuel, surnommée la « gestapette ».
En Allemagne en 1935, on élabore une nouvelle version du paragraphe 175 qui est ensuite appliqué en France durant la guerre. On introduit des cas de crimes aggravés d’homosexualité encourant des peines de 10 ans :
- Usage de la violence
- Position d’autorité
- Sur personne de moins de 21 ans (mineur)
- Prostitution
Himmler condamne fortement l’homosexualité masculine car les individus homosexuels sont inutiles pour la reproduction de la race aryenne conduisant même à la dénatalité. Selon lui, l’homosexualité est acquise et non innée donc on peut la « soigner » dans les camps.
35 personnes sont alors jugées par des tribunaux militaires allemands et envoyés en déportation en Allemagne dans des camps de travaux forcés. On a des peines d’un mois jusqu’à 5 ans pour des faits de « drague » d’officiers allemands et on craint pour la sécurité du Reich (espionnage, chantage…)
Ex : Albert Michel condamné en 1943 à Mont Saint Aignan (76).
Condamnations aussi sur les chantiers de l’Atlantique (enjeux stratégiques majeurs).
12 personnes condamnées pour raison d’homosexualité avec des peines supérieures à un an, envoyées en Allemagne.
Gestapo (Sipo SD) : 9 cas avec arrestation puis déportation mais portant un triangle rouge
Hugues Lambert : Acteur arrêté en 1943 de retour d’un café parisien, il est passé par le camp de Compiègne-Royallieu, déporté à Buchenwald en 1943.
En Allemagne, 115 travailleurs du STO et prisonniers de guerre
- 70% condamnés entre 3 semaines et 1 and et demi
- 30% détenus dans une forteresse entre 1 et 5 ans
- 3 sont morts en détention
- 80 sont libérés au terme de leur peine.
En Alsace-Moselle, la répression est vive (surtout en Alsace avec 390 cas : 350 Français et 40 étrangers : contre moins de 20 en Moselle). On remarque une très grande diversité des mesures répressives :
- Détention en prison
- Détention de rééducation (Ex : Pierre Seel, arrêté en mai 1941 à Mulhouse à la suite d’un vol de montre, sortie en novembre 1941 et mis au travail)
- Réclusion préventive (12 mois supplémentaires)
- Expulsion en zone « non occupée » jusqu’au printemps 1942
Sur les 350, 14 sont internés au camp de Natzweiler, 100 sont expulsés avec leur famille, 130 sont en détention policière, 120 détenus au titre du paragraphe 175, 110 sont internés au Sicherungslager de Schirmeck dans le Bas-Rhin (les détenus homosexuels portent ici une barrette bleue), 12 meurent en détention.
Conclusion :
550 ressortissants français inquiétés sous plusieurs formes de répression.
30 sont internés dans un camp de concentration, 27 trouvent la mort au cours ou à la suite de leur détention.
Compte-rendu réalisé par J.Langlois.
[1] Je n’ai pas retrouvé les dates précises de ces deux rafles.